Pendant
30 ans, la France et l'Allemagne ont travaillé ensemble à la construction
de l'industrie aéronautique et spatiale civile et militaire européenne.
C'est grâce à la volonté de ces deux nations qu'Airbus et Ariane,
les plus grandes réussites technologiques et commerciales de cette
industrie, ont vu le jour.
A l'aube du 21ème siècle, se dessine une nouvelle Europe et une
nouvelle industrie européenne. Ces grandes réussites communes ont
poussé les industriels américains à se renforcer en s'unissant,
créant ainsi des géants de quatre fois la taille des plus grands
industriels européens. Ce défi, généré indirectement par l'Europe,
doit être relevé par celle-ci.
Le 9 décembre dernier (1997), l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne
ont appelé leurs industriels à étudier les modalités d'un regroupement.
En mars dernier, les industriels partenaires d'Airbus ont soumis
un premier rapport concernant les grandes lignes d'un tel regroupement.
Certes, le chemin n'est pas aisé. N'oublions pas que l'Europe politique
ou juridique n'est pas encore formée, et que les industriels seuls
n'ont pas les moyens de la bâtir. Cela dit, ce rapport est primordial,
car les industriels concernés se reconnaissent un objectif commun
: celui de créer, à terme, une société commune globale et équilibrée
entre les pays, couvrant les activités civiles et militaires et
regroupant les forces de chacun. A travers cet objectif, c'est l'Europe
économique et sociale de demain qui prend forme.
L'industrie aéronautique et spatiale européenne a toujours dû faire
face à la concurrence internationale sur des marchés mondiaux. Mais
depuis la chute du mur de Berlin et la guerre du Golfe, le contexte
économique européen a évolué. Les marchés de défense internes à
l'Europe se sont réduits, alors que la crise du Golfe faisait chuter
les marchés civils à l'international. Dès lors, toutes les entreprises
européennes se sont trouvées confrontées à une chute simultanée
des cycles civils et militaires, ce qu'elles n'avaient jamais connu.
Cette situation unique a entraîné les industriels à se restructurer
massivement, en réduisant leurs coûts et en assainissant leur situation
financière, de manière à rester compétitifs. Entre 1992 et 1997,
Aérospatiale a augmenté sa productivité de 31% et réduit ses effectifs
de 20%, a diminué son endettement de 16 milliards de FF à moins
d'1 milliard et a renoué avec les bénéfices, avec un chiffre d'affaires
pourtant stable pendant cette période. Ces efforts ont permis à
l'entreprise de maintenir ses parts de marché ou même de les augmenter
dans certaines de ses activités.
Néanmoins, le développement de l'industrie européenne face à la
concurrence américaine notamment nécessite non plus des efforts
individuels de ce type, mais un effort commun.
Prenons l'exemple de Boeing/Mc Donnell, devenu Boeing Co.
Cette entreprise pèse 250 milliards de FF de chiffre d'affaires.
Elle bénéficie dorénavant d'un palette d'activités complète, lui
permettant d'équilibrer les différences de cycles entre le secteur
civil instable de nature, et le secteur militaire. L'entreprise
peut également amortir beaucoup plus largement ses coûts de recherche
et de développement, d'autant que la recherche militaire est payée
par le Pentagone. Enfin, elle bénéficie d'une assise financière
plus étendue. Aucune entreprise en Europe n'est actuellement en
mesure de concurrencer ce géant de façon individuelle.
Le 7 mai dernier (1997), lors du sommet franco-allemand d'Avignon,
le Chancelier Kohl a réitéré la nécessité d'un regroupement européen
de l'industrie aéronautique et spatiale civile et militaire. Le
premier ministre français Lionel Jospin a appuyé cette idée, tout
en insistant sur le respect des identités nationales de chacun.
Les industries des différents pays ont en effet connu des évolutions
spécifiques : les industries britannique, allemande, italienne et
espagnole sont largement regroupées au niveau national, alors qu'en
France les industriels sont encore fragmentés. Toutefois, se dessine
la mise en place de deux grands pôles, l'un dans le domaine de l'électronique
professionnelle et de défense autour de Thomson-CSF, l'autre
dans le domaine de l'aéronautique au sens large, autour d'Aérospatiale.
Le 14 mai (1997), le pôle aéronautique français s'est vu renforcé
par la décision du Gouvernement de transférer ses parts dans Dassault
Aviation (46%) à Aérospatiale. Cette décision illustre la volonté
de la France de s'engager totalement dans le regroupement européen.
Bâtir l'industrie aéronautique et spatiale civile et militaire européenne
est une nécessité économique et financière, qui assurera la pérennité
des investissements que les industriels ont concédé depuis 30 ans,
et entraînera le développement économique et social de tout le tissu
national lié à cette industrie.
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